MAD MEN ou la virilité tourmentée
Vers une virilité résolument plus moderne
Mad Men fait d’abord état de l’archétype de virilité dans le personnage de son héros. Don Draper, ce mâle Alpha :
Beau, brun viril, au vrai physique à la Cary Grant, apparemment sûr de lui, cigarette et bourbon de rigueur. Il a épousé « birdy », oiseau de paradis, sosie glacé de Grace Kelly et enchaine les conquêtes de brunes incendiaires. Don n’est pas que beau, il est aussi créatif, sensible et stratège. Don réussit tout ce qu’il touche et a une vie rêvée.
Et pourtant, Don n’est pas heureux. On pourrait même dire qu’il est tourmenté, d’après l’expression du livre de Brett Martin, Des Hommes Tourmentés (Éditions de La Martinière- 2014) qui parle du nouvel âge d’or des grandes séries HBO. Le journaliste fait référence aux séries de la première décennie du XXIème siècle de nouvelles figures masculines sombres et intenses : Don Draper de Mad Men, Tony Soprano, Jimmy McNulty de The Wire, Nate et David Fisher de Six Feet Under, Walter White de Breaking Bad. Voici des hommes, des vrais, mais des hommes qui doutent. Tony Soprano a beau être un parrain de la mafia, il va chez une psy tenter de régler ses problèmes existentielles, Walter White pense mettre à l’abri sa famille avant de mourir d’un cancer en fabriquant de la drogue mais va se découvrir une ambition de narco trafiquant et par la même réveiller sa virilité endormie. Don Draper vole l’identité de son lieutenant mort en guerre de Corée et se construit une vie de papier glacé. Aucun de ces hommes n’est heureux.
Tel un processus parallèle, le livre de Brett Martin évoque surtout la vie des scénaristes de ces séries, Alan Ball, David Chase, Mathew Weiner qui se servent de leurs héros pour exorciser leurs peurs et leurs incertitudes.
Mad Men n’est-il pas après tout une satire du monde très fermé des scénaristes de séries qui s’enferment dans des Writer’s Room pour sortir des idées qui vont capter l’audience, tout comme la publicité des années 60 doit trouver des idées pour vendre du coca cola ou des Lucky Strike ? Les scénaristes de ces séries sont des hommes de leurs temps, déphasés, en mutation, face à une évolution de la figure féminine, ils ne peuvent faire qu’une chose, commencer à muter vers des postures plus intériorisées – jusqu’alors l’apanage des femmes – vers une figure nouvelle de la virilité.
Dans une très belle scène de la fin de l’épisode pilote, Rachel, une riche héritière, répond à Don qui vient de lui dire que l’Amour n’existait pas :
« Je viens de le réaliser à l’instant, mais cela doit être difficile d’être un homme aussi. J’ignore en quoi vous croyez, Mr Draper, mais je connais la sensation de se sentir déplacé, déconnecté, de voir de loin le monde où évoluent les autres. Quelque chose me dit que vous connaissez ça aussi ».
Don est un imposteur, un menteur, mais il reste touchant car il souffre et cela se voit, car il tente de réparer mais qu’il échoue sans cesse, comme Tony Soprano, comme Walter White, comme David Fischer…
Ces hommes sont virils tout en exposant leur troubles psychologiques, leurs failles et même tourmentés, ils sont résolument des hommes modernes, forts et fragiles à la fois….

Claire Laugier Breton
Spécialiste des Ressources Humaines et de la Communication