Décoder les subtilités du langage
Tout ne peut pas être imité…
Enigma ! Ce mot raisonne pour beaucoup comme l’essence même du message codé, de la pré-histoire de l’ordinateur, mais aussi des débuts de la notion d’intelligence artificielle (IA).
Le filmImitation Gamede Mortem Tyldum (2014), littéralement le jeu de l’imitation – comprendre celle de la machine sur l’humain – est l’histoire de ce célèbre crypto- mathématicien anglais, Alan Turing, asocial et homosexuel, qui réussit l’exploit de décoder, en 1943, les messages réputés indécodables de la machine allemande Enigma. Cette dernière servait d’outil de communication secret à l’Allemagne nazie, et son déchiffrage par les Anglais aurait permis, dit-on, d’écourter la guerre de 2 ans. Ça c’est pour l’aspect historique.
Mais le film n’est pas une simple hagiographie d’un génie et d’un exploit historique. Il parle aussi de la difficulté parfois de comprendre le sens caché de notre communication. Alan Turing, en effet, est un génie pour décrypter les codes les plus complexes mais profondément inadapté quand il s’agit de saisir la part d’implicite du « langage » dans les relations humaines.
Alan est binaire – tel la machine : 0-1-1-0 – et tout simplement incapable de comprendre la notion d’implicite contenu dans le langage, tout comme l’IA (enfin pas encore on l’espère !).
« Tu as faim ? », demande à Tuning un collègue au moment du déjeuner. « Oui », répond, Alan. Puis plus rien. Alan se tourne vers son bureau. Le collègue reste interdit devant l’immobilité de son interlocuteur. Alan n’a pas compris qu’on l’invitait à déjeuner…
Plus tard, la fiancée de Tuning lui explique, devant son incapacité à créer une cohésion au sein de son équipe projet travaillant sur Enigma : « Tu as besoin d’eux, n’est-ce pas ? Tu ne pourras pas tout faire tout seul. Mais ils ne t’aideront pas, s’ils ne t’aiment pas. Tu dois te faire aimer d’eux si tu veux qu’ils t’aident. »
Une belle leçon de management !
Bien sûr la compétence technique est importante, mais sans la compétence comportementale, le travail ne se fait tout simplement pas.
Le lien affectif est précisément ce qui fait de nous des êtres humains. Et être liés les uns aux autres par du collectif est ce qui nous rend forts, denses… et plus intenses que beaucoup de machines.
Laissons à la data, le soin de parfaire la technique, le concret, l’explicite, et concentrons-nous sur notre humanité, dans ce qu’elle a de plus essentielle et comportementale : le tacite, le sous-entendu, l’inexprimé… et à notre aptitude à percevoir toutes ces subtilités.
La communication implicite, c’est-à-dire ce qui se cache derrière nos mots, est précisément ce qui nous rend humains. Et cette compétence est à nourrir chaque jour. Elle se cache dans le choix des mots, mais aussi dans nos comportements, nos gestes, voir-même dans l’absence de tous ces signes qui en fait quand même une communication.
Dans ce contexte, est-il vraiment utile de « parler vrai », de « tout dire », de « donner du sens» constamment ?
N’avons-nous pas plus intérêt, en entreprise, à développer et faire grandir nos compétences « humaines », c’est-à-dire les différents niveaux de langage, les messages à double fond, la capacité à dissocier ce qui se dit, de ce qui se passe réellement… compétences qui précisément nous différencient d’une machine, aussi sophistiquée soit elle ?
A méditer…

Claire Laugier Breton
Spécialiste des Ressources Humaines et de la Communication