Jodorowsky’s Dune (Franck Pavich – 2013)

Quand un échec cache un succès ! 

L’histoire du film qu’on ne verra jamais et d’un très fameux story board.

 

Jodorwosky’s Dune est un objet culte de la pop culture : une histoire fascinante où se mêlent créativité, chute et légende autour d’un même projet.

C’est aussi un bel exemple d’humilité, de courage et d’espoir face à nos projets professionnels…

Ici, commençons par la fin : Un documentaire réalisé par Franck Pavich primé à Cannes, sorti en 2013, raconte l’histoire d’un des plus emblématiques projets avortés de l’histoire du cinéma : LE Dune de Jodorowsky.

 

Dune : Une œuvre fascinante

 

Le prolifique Alejandro Jodorowsky, déjà reconnu pour des œuvres filmiques lunaires comme El Topo et La Montagne Sacrée, commence, entre 1973 et 1977, l’adaptation du livre Dune de Franck Herbert réputé inadaptable, avec le producteur Michel Seydoux.

Provocateur et spirituel, Alejandro, le réalisateur, le scénariste, le créateur voulait faire sienne cette œuvre majeure de la littérature de science-fiction.

Porteur d’une mythologie et d’un univers spirituel, l’histoire de Paul Atréïdes est celle d’un homme qui devient le messie Muad’ Dib dans un monde futuriste. Il y est question d’une épice qui transcende l’humain, d’un monde qui fuit l’intelligence artificielle au profit d’une conscience accrue et d’une denrée rare sur une planète désertique, qu’il faut préserver à tout prix : l’eau. Dune est en soi une œuvre métaphysique qui pose beaucoup de questions existentielles. De quoi ravir l’originalité de l’artiste !

 

Un projet fou

 

Jodorowsky, dit « Jodo », artiste franco-chilien protéiforme, souhaite alors, en pleine période psychédélique, créer une œuvre sacrée, libre, une œuvre qui « ouvre l’esprit ». A l’image de Muad’ Dib, Paul Atréïdes, « Jodo » a l’ambition de faire de ce film un « Dieu artistique et cinématographique ». Il dépasse même l’œuvre originale dans un scénario pharaonique : le film devrait durer entre 12 et 20h et procurer l’effet de prise de psychotropes.

 

Pour cela, il va chercher aux 4 coins du monde, les figures les plus emblématiques – les « guerriers » de Jodo. Et il faut lui reconnaître une force de conviction incroyable : Tous diront oui ! Orson Welles, David Caradine, Alain Delon, Salvador Dali, et Mick Jagger pour le casting ; Pink Floyd pour la musique.

Pour metre en image l’univers dont il rêve, « Jodo » constitue aussi une direction artistique internationale triée sur le volet : Le génial français Jean Giraud, dit Moebius pour les dessins du story board, l’Américain Dan O’Bannon pour les effets spéciaux, le Suisse H.R.Giger, plasticien gothique pour les créatures futuristes, Chris Foss l’illustrateur britannique …

 

Un story board de légende

 

Cette équipe technique cosmopolite va travailler 2 ans à Paris pour confectionner un story board d’envergure. Sorte de bande dessinée plan par plan de ce que sera le film, mais aussi cahier de tendance très détaillé, qui donne une idée de l’univers du film à venir, ce story board est d’une qualité, d’une créativité, d’une précision indéniables qui deviendra plus célèbre que ses auteurs. Toute la vision du maître Jodo est là !

Mais, les studios hollywoodiens refusent de finir de financer le projet. Alejandro Jodorowsky est trop extravagant à leurs yeux. « Tout est super mais on ne comprend pas votre réalisateur », s’entend répondre le producteur Michel Seydoux.

Ne serait-ce que la durée d’un film de 12 heures ! « Ce film n’aurait pas rencontré son public » explique le futur producteur de Star Wars, Gary Kurtz. Jugé aussi trop métaphysique, trop « français » même – il est comparé au « Concorde ! » – il sera boudé par tous les studios américains. « Jodo » fait peur. Il se révèle trop rigide face à son ambition. Ce film ne verra jamais le jour. C’est un échec cuisant :  D’abord financier – 10 millions de dollars investis – puis personnel. « Jodo » en aura le cœur brisé, Dan O’Bannon se fera interner un temps. L’histoire pourrait s’arrêter là, mais c’est au contraire à partir de ce moment qu’elle devient passionnante.

 

Une œuvre visuelle en expansion permanente

 

Depuis lors, ce story board est devenu un objet de collection. Il circulerait « sous le manteau » au sein des grands studios depuis des décennies. Le documentaire de Franck Pavich montre alors combien l’univers visuel si abouti créé par toute l’équipe de « Jodo » a été la pierre angulaire des films de sciences fictions qui ont suivi. Preuves visuelles à l’appui, Franck Pavich montre combien Star Wars semble s’être inspiré de ce Dune ; et rien de moins que le combat au sabre laser !

 

Puis d’Alien. « Hollywood a fait travailler toute mon équipe » sourit Jodo. Autour de Ridely Scott – qui avait d’ailleurs refusé d’adapter Dune : Moebius, Dan O’Bannon, H.R. Giger, Chris Foss… Puis plus tard Promethéus. De même, sans ses inspirations là, il n’y aurait pas non plus eu Blade Runner, ni Matrix, tous inspirés du film de science-fiction métaphysique initié par Jodo. Même Terminator et les Maîtres de l’univers y auraient puisé des représentations techniques.

 

Cette créativité post-projet ne s’est pas arrêté au cinéma. Moebius a créé la bande dessinée Metal Hurlant par la suite avec d’autres membres de l’équipe de Dune. « Jodo » quant à lui a écrit le scénario de bandes dessinées devenus mondialement connu, la série Incal avec Moebius et la Caste des Méta Barons, dont les vaisseaux sont tous dans le story board de Dune.

 

La question se pose aussi quand le futur film Dune, réalisé quelques années plus tard par David Lynch sort en salles … Ce projet a laissé son empreinte et n’en a plus fini d’être influenceur, cahier de tendance et recyclage en tout genre :

Culte, on vous dit !

 

Le pouvoir du leader

 

Ce travail si abouti n’a pas permis de mettre le roman Dune en image tel que Jodorowsky le rêvait. Mais il a démontré tout autre chose : que le pouvoir du leader qui a eu la vision de rassembler autant de talents sait toujours rebondir et en faire autre chose. La créativité ne se perd pas, ne meurt pas. Elle peut inspirer le futur.

L’échec n’est qu’un « changement de direction ». Jodo voulait un film total, et il y est finalement arrivé ! Il est devenu ce démiurge qui a influencé toute une génération de « faiseur » de science-fiction.

 

Tomber 1000 fois, jusqu’à tenir debout

 

Cette histoire est le symbole que tout projet porte en lui sa propre genèse, non dénué d’embuches, mais que les problèmes ne sont pas nécessairement la fin du chemin. Parfois, elles sont même le début d’un autre, au prix d’un grand courage.

Frank Pavish commence d’ailleurs justement son documentaire par cette citation : « Ce qui apporte la lumière doit supporter la brulure ». (Viktor E. Frankl). Le même Frank Pavish qui sera primé à Cannes pour ce documentaire.

Et Alejandro de conclure : « Tout ceux qui ont participé à la montée et à la chute du projet Dune ont appris à tomber 1000 fois avec une obstination farouche jusqu’à apprendre à tenir debout ».

 

On attend avec impatience la future version de Denis Villeneuve, fin 2020 … et on essaiera d’y trouver encore les influences de ce fantasme inspirant qu’est le Dune de Jodorowky.  

 

 

En cette rentrée 2020, si particulière, n’hésitez pas à oser, ne soyez pas timoré, tentez, ayez de l’ambition, créez votre propre parcours. L’avenir est incertain. Seul compte le présent. De belles réalisations attendent les braves…

 

Comme le disait Winston Churchill:

« Le succès n’est pas définitif.

L’échec n’est pas définitif.

C’est le courage de continuer qui compte. »

  

Claire Breton

Claire Breton

Coach et Consultante RH

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