Un été qui a changé le visage de « l’Autre » au cinéma
Toujours dans l’idée que le cinéma peut se voir à la façon d’un portrait chinois, avec un impact profond sur la société professionnelle, l’été 1982 représente un tournant dans le cinéma américain et la société occidentale.
Un excellent documentaire diffusé récemment sur Arte – de Jacintho Carvalho et Johan Chiaramonte – parle des 9 blockbusters sortis en 9 mois de temps cette année-là, dont la plupart à l’été 1982.
Blade Runner, The Thing, Rocky III, Conan le Barbare, Mad Max 2, Poltergeist, Star Treck 2, Tron et ET, l’Extra Terrestre!
Que de succès au box office qui ont laissé leur trace dans la culture populaire.
Pour citer la dernière phrase du documentaire :
« Cet été 1982 représente un tournant dans l’histoire du cinéma américain. Ils sont les derniers films indépendants des grands studios, sombres et visionnaires ».
Socialement, l’Amérique sort ébranlé de la guerre du Vietnam et du Watergate. C’est aussi la fin du mouvement hippie et une entrée massive dans l’Eldorado de la surconsommation comme condition au bonheur.
Ces films parlent tous plus ou moins d’un monde post apocalyptique où l’homme se confronte à un monstre, que ce soit par le biais de gros bras téstotéronés, comme Rocky, Conan ou Mad Max ou par le biais des nouvelles technologies de Blade Runner, Tron, the Thing ou Poltergeist.
L’Autre désormais doit être affronté, maîtrisé … et accepté.
Le monstre y prend plusieurs figures. Mais il est toujours question d’un monstre, d’un ennemi à combattre. Le monstre c’est toujours l’Autre, mais ce qui se dessine plus finement est que l’Autre c’est aussi la bête qui vit en nous. Beaucoup de ces films évoquent la volonté d’affronter le mal, pour atteindre l’espoir que nous saurons dompter la bête.
Dans Poltergeist, le monstre est même dans la maison, et pire dans la télévision. Il doit être « maitrisé ».
Là où The Thing, de John Carpenter est le premier film qui « montre » la bête et fait entrevoir une possible fin du monde, E.T., sorti en même temps montre une figure positive de l’Autre. L’Autre n’est pas un monstre. Il est amour. Mais il fait aussi état de l’incommunicabilité humaine : quand l’Un dit « Viens », l’Autre dit « Reste » !
Dans Blade Runner, l’Autre, littéralement le Réplicant « celui qui est copié », en mourant montre une conscience de sa vulnérabilité et futilité : « Tout ces moments se perdront dans l’oubli comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir ».
Cet été 1982, l’Autre est regardé, affronté et accepté. Il est comme une allégorie de l’entrée dans une nouvelle ère de la communication.
De la même manière, professionnellement l’Autre est souvent vu comme un ennemi, mais en le rencontrant, en l’observant, il est possible de comprendre ses motivations, de l’accepter comme différent, et enfin d’entrer en réel contact avec lui. Comme Elliot avec E.T., l’Extra Terrestre.
Parfois, cet Autre, cet ennemi, c’est nous. Nous possédons tous une face cachée, que nous n’aimons pas toujours constaté mais qu’il faut savoir affronté et accepté, comme Carol Ann, la petite fille de Poltergeist qui passe de l’autre côté de l’écran et s’y retrouve enfermée jusqu’à ce que ses parents viennent la libérer …
La production de cet été emblématique est encore avec nous : Games of Throne, Stranger Things, Creed et autre Avengers sont des versions évoluées des films de cette année-là. Les productions sont aujourd’hui autrement plus industrialisées certes, mais la catharsis par l’apocalypse et la rencontre de l’Autre en restent les éléments principaux.

Claire Laugier Breton
Spécialiste des Ressources Humaines et de la Communication