Vers des collaborateurs néo-réalistes…

De l’explicite à l’implicite au sein des organisations

Le Voleur de Bicyclette, film italien de Vittorio De Sica, sorti en 1949 est considéré comme un chef d’œuvre de cinéma. Il est aussi l’emblème d’un mouvement cinématographique appelé Néo-Réalisme.

Quel rapport avec le monde de l’entreprise ? A priori aucun. Cette histoire tragique d’un père pauvre qui se fait voler son vélo, seul outil garant de son emploi, et de la relation à son fils, dans une Italie post fasciste, triste et ruinée par la défaite de la guerre, semble bien loin des réalités économiques de 2018.

Et pourtant… Le voleur de Bicyclette, comme le Néo-Réalisme est une épiphanie de la réalité. C’est un mouvement qui se tourne vers les hommes et le monde tel qu’il est, non pas tel que le fantasme aime les imaginer. L’idée sous-jacente est de sortir du besoin d’évasion pour revenir au réel. Parce que la réalité, qu’elle soit prosaïque, pragmatique, terre à terre, a le mérite d’être vraie.

Or, le monde des organisations et plus particulièrement celui du marketing et de la publicité, ont passé de nombreuses années à vendre au delà d’une image, du rêve aux clients et aux collaborateurs, à donner toujours plus de sens à un simple produit.

Les assurances « vendaient » il y a quelques années, la chaîne incroyable de la vie, notamment dans la très belle pub CNP Assurances. Les organismes de Crédit sont devenus verts, écologistes et sauveurs de la planète : « Renouvelables et Responsables » (Cetelem). Les voitures vendent de l’évasion et de l’espace (Renault).
Le plus symbolique étant Apple, qui ne vend plus des outils informatiques, mais une vie d’entrepreneur de sa vie, de voyageur, d’être nomade et libre.

Or, si les clients sont toujours une belle cible pour ce rêve à vendre au kilomètre – et c’est le jeu des marchés concurrentiels – les collaborateurs des entreprises ne semblent plus vraiment portés par ce sens-là.

L’entreprise, de l’intérieur, y est souvent décrite comme paradoxale dans ses injonctions, dans ce qu’elle vend, dans ce qu’elle dit vouloir de ses collaborateurs – la notion d’explicite – mais ne disant pas ce dont elle a vraiment besoin – la notion d’implicite. Il y a deux poids deux mesures : il y a ce qui se fait et ne se fait pas, ce qui est dit et ce qui ne l’est pas, ce qu’il faut dire et ne pas dire…

Les partenaires extérieurs aux entreprises – dont je fais d’ailleurs partie – coach, facilitateur, médiateur, fleurissent pour aider à comprendre ce paradoxe et apprendre à adopter une juste posture. L’attente n’es pas uniquement axée sur le « sens du travail » mais sur la cohérence, le pragmatisme, un retour aux réalités de marché et à une organisation du travail… vivable.

L’entreprise se transforme. On le voit partout. Peut-être change-t-elle de paradigme ?

Perdue pendant des années dans un marketing du rêve, elle a sans doute besoin de revenir à du concret, pour être plus performante. Et elle a besoin d’y embarquer ses collaborateurs.

En effet, le marketing interne en entreprise vogue vers un Néo-Réalisme qui permet de voir plus clairement la réalité, de manière concrète. Elle se conforme à un intérêt contemporain de répondre à des résultats, des statistiques, de la donnée, de la data : Le « data analyst » étant la nouvelle panacée en termes de compétence, le réel vecteur de performance. Aujourd’hui, on tente de percevoir l’Homme tel qu’il est – c’est-à-dire singulier – de prédire concrètement ce dont il va avoir besoin, et de rendre signifiantes les choses telles qu’elles sont vraiment.

De la même manière, le collaborateur interne se doit de dégager ce qui est vraiment important dans son poste de ce qui ne l’est pas, ce qui se joue vraiment, quels sont les réels enjeux de sa position, comment il va pouvoir progresser, et de rendre signifiant ce qui se passe. Il doit démêler, avec ou sans aide, ce qui est explicite de ce qui est implicite.

Dans un poste donné, un collaborateur peut alors commencer à se poser les questions suivantes :

→ Explicite

– Quel est mon rôle ?

– Qu’est-ce que mon employeur dit vouloir de moi ?

→ Implicite

– Quel rôle je pense avoir ?

– Qu’est-ce que l’entreprise veut vraiment ? De quoi a-t-elle vraiment besoin ?

– Qu’est-ce que je peux, avec ces éléments, véritablement produire pour me rendre utile ?

La posture la plus confortable est de regarder à la loupe ces différentes notions, afin de mieux appréhender et jouir de son environnement, en toute lucidité.

Le voleur de Bicyclette, tout le comme le Néo-collaborateur en organisation se doit alors de saisir la vie au moment où elle est vécue, de manière authentique et donc mieux maîtrisable, dans sa plus grande quotidienneté : Ici et Maintenant.

Claire Laugier Breton

Claire Laugier Breton

Spécialiste des Ressources Humaines et de la Communication

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