Un management entre deux eaux

Comparer l’histoire d’espionnage d’Hubert Bonnisseur de la Bath – alias Jean Dujardin – qu’il soit au Caire ou à Rio, avec le monde contemporain sociale et économique peut être un jeu riche de réflexions.

En effet, si OSS 117 de Michel Havanavicius campe son récit dans les années 50 et 60, le personnage de Hubert y est bel et bien perdu dans un monde en pleine mutation, qu’il ne comprend manifestement plus. L’humour d’OSS 117 est par cet aspect résolument moderne.

→ Il y a ici un choc des cultures, du passé et de l’avenir.

Hubert continue à se comporter comme un mâle dominant, sûre de lui et de ses «techniques» d’espionnage.

Il ne comprend pas ce nouveau monde qui change dans ses acceptions sociales mais ne peut faire autrement que continuer d’y trouver sa place.

Misogyne, chauvin et paternaliste, il ne correspond pas aux modifications profondes de la société où il sera bientôt « interdit d’interdire » !

Toutefois, Hubert se démarque par sa liberté totale de parole.

Il garde ses propres codes «old school» mais son côté franc, désuet – presque dépassé – et cependant assuré, lui donne un capital sympathie gagnant : Hubert reste charmant même quand ce qu’il dit des inepties. Car il reste authentique.

Quand il parle avec des hippies, dans Rio ne répond plus, en leur expliquant qu’il faut se lever tôt, si on veut changer le monde, sa candeur pragmatique est désarmante, et le message passe !

« Changer le monde, changer le monde vous êtes bien sympathiques mais faudrait déjà vous levez le matin. Je sais pas si vous êtes au courant mais le monde, il vous attend pas, le monde il bouge et il bouge vite! Et vous n’allez pas tarder à rester sur le carreau moi je vous le dit ! Parce que là vous êtes en vacances très bien mais à la rentrée (…)l’année prochaine, vous avez pensé à ça ? L’année prochaine ? C’est pas le monde qui va se plier à vos désirs mes enfants ! C’est pas 68, année de la jeunesse, c’est pas comme ça que ça se passe. C’est le vrai monde dehors et le vrai monde, il va chez le coiffeur. Alors gnagna, les guitares, les troubadours, tout ça, c’est fini ! ».

Hubert fait écho à une France sarkozyste pas si lointaine, qui se lève tôt et qui doit travailler plus pour gagner plus.

A l’heure où le management se doit d’être à la fois dans la confiance et l’autonomie de ses collaborateurs, la liberté totale de ton d’Hubert – « je dis tout ce que je pense, sans filtre » – entre paradoxalement dans les attentes d’une des facettes de la société, même si c’est d’une manière toute personnelle et originale : celui de la transparence.

Alors oui, le manager d’aujourd’hui est balloté par des courants contraires : Il doit à la fois donner à ses équipes des repères bien stables pour avancer et donc garder pour une part un aspect paternaliste, mais en même temps accepter de donner une autonomie relative -relative car surveillée par des outils et non plus par des hommes. Le personnage d’Hubert est drôle car il a quelque chose de touchant, en ce sens qu’il continue à vivre sur sa confiance en lui, ses acquis, un peu désuets, voir même supérieurs, mais en s’accordant une grande liberté de ton, toute Jupitérienne :

« Tu ne m’appelles pas Manu, tu m’appelles Monsieur le président ! »

Cette posture vous rappelle quelque chose? Tout comme Hubert, elle est correspond à quelque chose de tout à fait actuel dans la société et le monde économique. Elle plaît et déplaît en même temps. 

Hubert répond, avec humour, à une époque où le management est entre deux mondes – celui de la structure guidante et de la confiance dans l’action autonome – entre deux rives, au milieu du gué…

A l’image d’Hubert, le manager d’aujourd’hui peut alors adopter une posture un peu dépassée mais, si tant qu’elle garde une certaine fraicheur, rester triomphant !

Claire Laugier Breton

Claire Laugier Breton

Spécialiste des Ressources Humaines et de la Communication

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