Le chemin vers l’autonomie
Comment le film aux 21 Millions d’entrées apprend à se libérer de ses chaînes.
Il est souvent difficile au cinéma d’allier succès commercial et fine analyse relationnelle des personnages. Et, à ce titre, le film Titanic, qui a 20 ans cette année, déroge à la règle. Son succès au box-office ne semblait pas pouvoir cacher des trésors d’intelligence sur la réalité des relations humaines. Et pourtant…
Prendre le personnage de Rose (et celui de Jack) sous un angle purement métaphorique peut renseigner sur ce que l’Analyse Transactionnelle appelle le chemin vers l’autonomie.
Selon Éric Berne, père de l’Analyse Transactionnelle, l’autonomie est une « libération » du scénario que l’enfant puis l’adulte a construit dans son for intérieur. L’accession à cette autonomie se manifeste par la libération ou le recouvrement des 3 facultés suivantes :
La conscience claire
La capacité à voir la réalité telle qu’elle est et pas telle qu’on nous a appris à la regarder. C’est aussi la capacité à être dans l’ici et maintenant.
La spontanéité
La capacité à bien choisir parmi un large éventail d’options de sentiments et de pensées, mais aussi d’utiliser l’Etat du Moi qu’elle désire au moment où elle le désire. En résumé, la personne a des options pour réagir spontanément.
L’intimité
La capacité d’être en relation à l’autre dans l’authenticité, sans Jeux ni exploitation de l’autre. C’est aussi la capacité à avoir des relations en étant soi-même et en permettant à l’autre d’être lui-même.
Reprenons Rose dans son bateau. Au début du film, elle est cette belle promesse d’avenir dans un milieu des plus favorisés, embarquant sur un palace flottant pour le nouveau monde. Le bateau avance bientôt vers son destin, comme Rose. Très vite, Rose semble vivre ses privilèges comme une prison, où elle est tout sauf à sa place.
Quand le Titanic percute un iceberg, Rose, quant à elle, percute son mal être et le faux semblant qu’est sa vie.
Alors que le bateau commence à sombrer dans les profondeurs, elle ré-a-git. Face au naufrage, les options sont simples : monter dans un canot de sauvetage, ce que lui guide sa condition, et continuer dans cette vie qui ne lui ressemble pas, ou courir dans la profondeur des coursives où l’eau glaciale s’infiltre partout et comprendre ce qu’il y a à comprendre : qui elle est et qui elle veut devenir. La courageuse Rose n’hésite pas longtemps. Elle choisit spontanément et instinctivement la fuite. Elle se sauve littéralement ; se fait oublier de la vie qu’on a choisi pour elle et qu’elle ne peut se résoudre à vivre.
En même temps que le naufrage, elle a acquis une conscience claire de sa propre réalité. Il lui faut vivre ici et maintenant cette belle histoire avec le beau Jack et renoncer à son passé, même si ce chemin n’est pas le plus facile à emprunter.
Jack, d’ailleurs, pourrait n’être pas vraiment un personnage mais une conscience, une catharsis symbolique de la fuite de Rose :
« Il est celui qui m’a sauvé de toutes les manières dont on peut être sauvé »
Existe-t-il vraiment ailleurs que dans la tête de cette femme qui veut se libérer de ses chaînes ? Jack est celui qui lui fait changer de perspectives. Il lui fait voir la vie d’en haut sur la proue du bateau : « Jack, je vole ! », une parabole du « tout est possible », puis d’en bas sur le radeau de fortune : « Rose, promets-moi de ne jamais renoncer ! » « Je ne renoncerais jamais ! », une autre parabole du « ta vie est dans tes mains ». En prenant ses décisions, Rose devient actrice de sa propre vie et laisse dans les profondeurs derrière elle, une vie qui n’est désormais qu’un tombeau. Rose choisit la vie par une conscience claire de ce qu’elle veut, une spontanéité dans sa prise de décision sur ce qui est le mieux pour elle, et enfin une authenticité dans son rapport aux autres mais surtout vis-à-vis d’elle-même. Rose devient libre et peut alors accéder à l’autonomie.
De la même manière, dans tout parcours de carrière, il est nécessaire de comprendre qui on est et ce qu’on veut faire, et non de répondre à ce que les autres ont projeté sur nous ; de réagir avec spontanéité parmi un large panel de possibilités pour faire le meilleur des choix, qui n’est souvent pas le plus simple ; et enfin d’être capable d’être authentique dans sa relation aux autres, en étant pleinement soi et en acceptant pleinement l’autre, par nature différent de soi.
Claire Laugier Breton
Spécialiste des Ressources Humaines et de la Communication